Existe-t-il une obligation de poursuite qui pèse sur le Procureur de la République au Togo ?
L’attitude du ministère public relativement au déclenchement de l’action publique, légitime cette interrogation. En effet dans le cadre des incendies des marchés de Lomé et de Kara ou encore dans l’affaire de la tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat (entre autre), on a remarqué un empressement du procureur qui contraste largement avec son mutisme en ce qui concerne les différents décès lors des manifestations pacifiques publiques. Cet état des choses amène à se poser la question suivante : le procureur est-il obligé de poursuivre tous les crimes et délits commis au Togo ?
La réponse à cette question amène a revisité dans un premier temps, deux grands systèmes ou principes pénaux qui régissent les différents pays. Il s’agit du principe de la légalité des poursuites et celui de l’opportunité des poursuites
C’est quoi le système de la légalité des poursuites ?
Le principe de la légalité des poursuites impose au Procureur de la République de poursuivre toute infraction parvenue à sa connaissance, quelles qu’en soient la gravité ou les circonstances. L’action publique ainsi mise en mouvement, lui interdit d’enrayer le cours de la justice par un abandon de l’accusation. Dans ce système, la mise en mouvement et l’exercice de l’action publique sont retirés à la libre appréciation des magistrats du parquet.
Certains pays comme Allemagne, en Espagne, en Grèce, dans un grand nombre de cantons suisses ont adoptés ce principe. Si ce principe présente des avantages, son inconvénient majeur se trouve dans le risque d’encombrement des tribunaux.
C’est quoi le principe de l’opportunité des poursuites ?
Dans les systèmes où le principe de l’opportunité est en vogue, le parquet est alors libre de donner la suite qu’il veut à l’affaire, sous réserve de l’obéissance hiérarchique: le procureur peut mettre en mouvement l’action publique ou classer le dossier sans suite. D’autre part, une fois les poursuites commencées, il peut abandonner l’accusation et arrêter le cours du procès, malgré la saisine des juridictions d’instruction et de jugement compétentes. La liberté du ministère public est donc entière, aussi bien pour la mise en mouvement que pour l’exercice des poursuites.
Ce principe présente aussi des inconvénients. En effet, il est de plus à craindre que, sous le couvert de l’opportunité, ne s’introduise un intolérable arbitraire, puisque le ministère public classera peut-être certaines affaires pour obéir à des injonctions du gouvernement, ou pour favoriser certains coupables haut placés.
Quel système le Togo a-t – il adopté ?
L’article 32 du code de procédure pénale dispose que « Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. En cas de classement sans suite, il avise le plaignant et lui fait connaître le motif de ce classement ».
Par cet article, le législateur togolais consacre le principe de l’opportunité des poursuites. Ce n’est donc pas que le procureur n’est pas au courant des différents cas de décès par balle réelle ou autres crimes. D’ailleurs l’article 33 du code de procédure pénal dispose que « Tout autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
Ce principe en vigueur dans notre pays présente d’énormes inconvénients quand on sait que le procureur de la république au Togo est soumis au politique notamment le ministre de la justice qui est son supérieur hiérarchique. C’est pourquoi dans plusieurs pays les acteurs militent en faveur de la Cour suprême comme supérieur hiérarchique du ministère public, dans une perspective de dépolitisation de la justice.
Comment alors contourner la « léthargie » du Procureur de la République dans le déclenchent des poursuites ?
Pour pallier un tant soit peu aux inconvénients du principe de l’opportunité des poursuites, le législateur a mis en place deux procédures qui ont pour effet de déclencher l’action publique:
- LA PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE ENTRE LES MAINS DU JUGE D ’INSTRUCTION
Les articles 68 et 69 du code de procédure pénale précisent que : Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent. Le juge d’instruction ordonne communication de la plainte au Procureur de la République qui doit prendre ses réquisitions dans un délai de 48 heures.
Ce mode se saisine de juridiction répressive st utilisé :
- Lorsque le ministère public n’a pas voulu poursuivre au nom de l’opportunité des poursuites et que la victime tient à poursuivre des présumés auteurs de l’infraction;
- Dans toutes les matières ou l’instruction préparatoire est obligatoire (Plainte pour crime par exemple)
- La plainte avec constitution de partie civile peut être faite contre personne dénommée ou contre X.
2. LA CITATION DIRECTE
La victime a en outre la possibilité de saisir la juridiction répressive par voie de citation directe.
- Le présumé auteur est cité directement à comparaître devant la juridiction de jugement
- La citation directe n’est possible que lorsque que l’instruction préparatoire n’est pas obligatoire
- La citation directe n’est pas possible en cas de crime.
Analyse rédigée par Syril AGBLEGOE, Chercheur au CDFDH