3ème session du « Face au panel » : Les parlementaires togolais s’expliquent sur la révision constitutionnelle
Interpellés par le Panel Watch pour s’expliquer sur la révision de la constitution, notamment l’article 75 considéré par les organisations de défense des droits de l’homme comme une prime à l’impunité, les parlementaires togolais et d’autres acteurs socio politiques ont apporté leur réponse lors de la troisième session du « Face au panel ».
Initiée par le Centre de Documentation et de Formation sur les Droits de l’Homme (CDFDH), cette rencontre périodique qui se veut un cadre de discussion, de partage et d’analyse a, une fois encore, tenu toutes ses promesses sur fond d’un débat franc et direct sur les nouvelles dispositions de la constitution avec en toile de fond la question de la lutte contre l’impunité, la reddition des comptes et la protection des droits de l’homme.
Les parlementaires togolais n’ont pas dérobé à leur responsabilité face au Panel Watch. S’ils concèdent sur la faiblesse de certaines dispositions de cette constitution, ils jugent la réforme historique et globalement satisfaisante rappelant les circonstances de sa mise en œuvre, conformément aux recommandations de la CEDEAO et aux aspirations du peuple.
L’article 75 en question…
Parmi les nouvelles dispositions de la constitution qui ont concentré l’attention lors de la session « Face au panel », l’article 75 dispose que : « Les anciens Présidents de la République sont, de plein droit, membre du Sénat. Ils ne peuvent être poursuivis, ni arrêtés, ni détenus, ni jugés pour les actes posés pendant leurs mandats présidentiels… ». En réponse aux interrogations qu’il continue de susciter dans l’opinion publique, les parlementaires ont mis en avant la nécessité de sortir du statut quo par le modus vivendi obtenu. Pour eux, cette disposition ouvre la voie à l’alternance politique. « Un article qui offre des garanties et motivera la volonté de l’actuel Président à céder sa place » estime l’Union des Forces pour le Changement (UFC). Le Docteur EKOUE a qualifié cet article de « parfait équilibrisme constitutionnel » qui n’est pas une supercherie pour protéger le Président, comme d’aucuns peuvent le penser, puisqu’il ne couvrirait que les actes inhérents au mandat du président,« tout événement survenu avant son investiture ne rentrant pas dans le cadre dudit article ». L’argument est loin de convaincre les membres du Panel qui se sont interrogés sur la reddition des comptes comme un principe non négociable. Cette possibilité qui n’est pas à écarter à en croire Gerry Taama qui a invoqué l’article 127 en reconnaissant son caractère flou. L’article prévoit qu’un chef d’Etat puisse être traduit devant la Haute Cour mais les détails sont renvoyés à une loi organique appelée à fixer ultérieurement le cadre opérationnel de cette disposition.
Autre question soulevée par l’article 75 et mis en cause par le Panel Watch : sa non-conformité avec les standards internationaux. Membre et Président du bureau de coordination du Panel Watch, Maitre Attoh MENSAH a estimé que cet article va à l’encontre des engagements internationaux du Togo notamment l’imprescriptibilité du crime de la torture et la Convention contre la torture. Un argument jugé recevable par les parlementaires qui conviennent que l’Etat ne saurait se mettre en rupture avec les engagements internationaux en dépit de l’article 75.
Des avancées relevées par les participants
Si cette réforme reste simpliste voire suicidaire pour la démocratie et l’alternance selon Gnimdéwa Atakpama du parti des togolais qui évoque un « déni de la république », elle constitue une avancée pour nombre de participants à cette session « Face au panel » qui saluent notamment les articles 59 et 60 sur la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin à 2 tours. Une position partagée par le père Affognon qui a estimé qu’il y avait quoiqu’il en soit, du positif dans cette nouvelle loi fondamentale. Reste pour le Père Affognon que le compromis soit « nommé, identifié et présenté au peuple pour passer à autre chose ». Quant au député Agbéyomé kodjo, Président du parti MPDD, il a regretté que la classe politique traditionnelle n’ait pas assez tiré des leçons de l’histoire estimant que ces réformes consacraient une avancée démocratique au regard de la situation chaotique du pays.
Les membres du Panel Watch ont appelé les parlementaires à œuvrer pour l’adoption des lois organiques laissée en suspens afin d’améliorer le cadre légal et opérationnel relatif aux droits de l’homme et à la lutte contre l’impunité au Togo notamment. Ils ont par ailleurs rappelé à l’Etat ses engagements au plan international et le caractère imprescriptible des crimes en dépit de la révision constitutionnelle.